18 heures 35, spleen
Publié le 10 Janvier 2019
Parce qu'il est temps de rentrer, je referme Voyage à Rodrigues.
Derniers instants de mer, de soleil, et de pierres grises – si rondes, si douces... –, je leur dis "adieu". Comme à des amis. Au même instant, un avion rugissant s'élève dans l'espace d'azur profond, où luit encore une belle lumière blonde. Là-haut, quelques mouettes font la ronde, alors qu'une voile triangulaire, très blanche, escargote sur l'eau marine.
Sur la la Prom', je me retourne et scrute une ultime fois la plage, et les bleus enlacés du ciel et de la mer. Je suis triste. Si quelqu'un à ce moment-là regardait mes yeux, il pourrait y voir une sorte d'égarement. Mais, mes yeux sont bien cachés derrière leurs petites vitres sombres.
Je repars avec le troisième galet que je cherchais pour compléter ma collection. Un instant, j'ai la tentation de rentrer par le port. Mais non.
Vite, je pars. Vite, je marche. Vite, vite, les adieux sont toujours douloureux.
Dans le "Vieux", Spring Court aux pieds, légère, je glisse sur la peau grise du macadam. Je glisse, et j'ai l'air à l'aise, sûre de moi. Cachée derrière l'écran noir de mes lunettes, je ne suis pourtant qu'une pauvre chiffe. Et personne ne s'en rend compte.
Vite, vite, je marche, et très vite je décide de changer mon itinéraire habituel. Je suis alors quai Saint-Jean-Baptiste. Et cependant que je marche vite, doucement, la désolation monte de mes profondeurs et déploie ses tentacules pour m'étouffer. Mon souffle se fait court, mais ce ne sont pas mes longues foulées qui en sont la cause. Seulement la main brutale de la tristesse, qui presse, presse...
Qui peut voir cela, derrière les verres sombres d'une paire de lunettes de soleil ?
©Marguerite Rothe
💙 Dans le "Vieux" (vieux Nice)
💙 La Prom' (La promenade des Anglais)
💙 Voyage à Rodrigues, Jean-Marie Gustave Le Clézio.
💙 © "Chaise bleue", de Jean-Louis Martinetti, photographe à Nice.